ésormais présenté officiellement par son Organisme de Défense et de Gestion (ODG), le cahier des charges de l’AOC Médoc blanc tient du retour vers le futur. Si les vins du Médoc sont mondialement synonymes de vins rouges, l’appellation souhaite ajouter la production de vin blanc à son cahier des charges pour faire reconnaître le développement actuel (89 vignerons produisent des vins blancs dans le Médoc, pour 208 hectares de vignes en 2024) et renaître une histoire oubliée (voir encadré). « Le dossier de demande a été déposé auprès des services locaux fin décembre et a été présenté en comité régional le 5 mars dernier et sera examiné par la Commission permanente du 28 mars prochain pour lancement de l’instruction et nomination d’une commission d’enquête » indique l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO).
Résumant le comité régional du 5 mars dernier, Hélène Larrieu, la directrice de l’ODG Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc souligne « l’enthousiasme des vignerons et négociants du CRINAO autour de ce sujet aboutissant à un vote favorable à l’unanimité pour la présentation de notre dossier au Comité National de l’INAO ».La directrice relève « une réserve sur le chardonnay (bien que ce soit un cépage que l’on retrouve dans le monde entier), et un désaccord concernant le conditionnement obligatoire à la propriété ».
Depuis la présentation, il y a un an, du projet d’AOC Médoc blanc en assemblée générale, l’encépagement proposé a évolué : aux cépages bordelais traditionnels (sauvignon blanc, sauvignon gris, sémillon et muscadelle) qui seront majoritaires (85 % de l’assemblage minimum) s’ajouteront un cépage accessoire (le chardonnay, 15 % maximum des volumes) et six Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA : les cépages alvarinho, liliorila et viognier, les résistants floréal, sauvignac et souvignier gris). Passés à la trappe le chenin blanc et le gros manseng un temps envisagés en cépages accessoires, mais considérés comme cépages emblématiques d’autres vignobles AOC (Val de Loire et Sud-Ouest). L’ODG s’est concentrée sur le chardonnay, cépage déjà présent dans son vignoble (plus de 5 % des surfaces, quand les sauvignon en représentent les deux tiers), et a rétrogradé en VIFA le viognier (ancré dans la vallée du Rhône septentrionale).
Regrettant que la liberté d’encépagement soit limitée, Claude Gaudin, le président des AOC Médoc, pointe qu’aujourd’hui « on peut entendre beaucoup d’incertitudes sur les adaptations des cépages en fonction du climat futur. Il est difficile d’avoir des certitudes et de s’empêcher d’évoluer ».S’il trouve dommage d’avoir dû abandonner certaines propositions, pour lui « il faut rapidement aller jusqu’au bout pour que ça démarre » et « ne pas s’arc-bouter pour avancer ». Une philosophie qui sera sans doute utile dans les discussions à avenir avec les représentants des négociants.


Le négoce national faisant du sujet du conditionnement exclusif au domaine une question de principe (pour ne pas entraver les flux du vin), le débat sera ouvert avant le vote ce 28 mars à Paris indique Claude Gaudin. « Nous envisageons un conditionnement chez le producteur comme ce n’est pas un projet de vin vrac, mais de produits à valeur ajoutée partagée avec le négoce »explique Claude Gaudin. L’ODG relève que les prix de vente de ces vins blancs produits dans le Médoc vont de 11 à plus de 300 € (pour un prix moyen de 31,50 € TTC). « Aujourd’hui, il y a 210 ha [de vignes blanches dans le Médoc], nous pouvons imaginer jusqu’à 500 ha à l’avenir, mais il n’y aura pas de submersion » ajoute le président des AOC Médoc, précisant que le sujet sera rediscuté avant le comité national pour maintenir l’union autour du projet.
Évoquant « un beau projet, une belle attente », Claude Gaudin rapporte que le projet du vignoble est partagé par le négoce : « il y a un vrai enthousiasme collectif » avec l’objectif de valoriser la production médocaine « ce n’est pas le cas de tous les rouges dans la région » reconnaît le président d’ODG, espérant qu’avec l’engouement pour les blancs, il y ait la possibilité « d’embarquer les rouges ». Il n’y a plus qu’à.
L’ODG le répète, le vin blanc AOC Médoc ne sera pas une création, mais la renaissance d’une histoire oubliée. Dans une somme historiographique finalisée en 2021, le vigneron Yves Raymond (château Saransot-Dupré, cru bourgeois à Listrac) écrit que « la production de vin blanc en Médoc, grâce aux vignerons de Blanquefort commence au début du XVIII° siècle. Elle est presque aussi ancienne que celle des grands rouges du Médoc dont l’histoire remonte, elle, à la fin du XVII siècle. » Ancrée dans l’histoire, la production de vins blancs du Médoc a connu un coup d’arrêt vers 1960 : « Blanquefort qui déclarait ses vins blancs en appellation simple Graves de Blanquefort et les autres blancs du Médoc qui utilisaient des appellations simples médocaines [lois instituant les appellations simples du premier août 1905 et du 8 août 1908] doivent y renoncer et déclarer en AOC Bordeaux [conformément au décret de 1942 qui n’était pas impliqué avant, mais imposait leur abandon au profit des AOC du décret de 1935] » explique Yves Raymond, précisant qu’« à l'époque, le vin rouge était tellement dominant dans le paysage que les syndicats AOC du Médoc n'ont pas voulu faire l'effort de créer une AOC blanche. » Mais comme en 1960, « les cours de l’AOC Bordeaux blanc sont proches de ceux du vin de table blanc » (faute de notoriété sur le sec, la production de doux et demi-liquoreux représentant l’essentiel de la production), cela pourrait expliquer « l’effondrement de la production de blanc en Médoc » avance Yves Raymond, pointant qu’« en comparant l’édition de 1969 du Féret par rapport à l’édition de 1949 nous pouvons constater les dégâts. Les grosses productions du Nord Médoc ont soit totalement disparu (comme Hauterive, Reysson ou Beaulieu), soit fortement diminué (comme Castera ne produisant plus que 30 tonneaux au lieu de 125). » Avec cette histoire, « le Médoc a tous les arguments qu’il faut pour justifier d’une appellation de vin blanc et donner l’opportunité de faire briller le terroir médocain sous une autre couleur dont le passé nous a appris qu’elle lui va très bien » conclut le vigneron.
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