vec près de 80 hectares de plantés et une dizaine de conventions signées, le vignoble bordelais semble le plus engagé sur la voie des Vifa. Ces "variétés d’intérêt à fin d’adaptation" – cépages d’avenir pour les appellations – y répondent au doux noms d’arinarnoa, de castet, de marselan ou encore le portugais touriga nacional.
Elles ont intégré le cahier des charges de l’appellation Haut-Médoc fin 2022. A Macau, au Château Cambon la Pelouse, Guillaume Levasseur avait dès le printemps planté 1,80 ha de marselan. « Avec son débourrement tardif, ce cépage pourrait échapper aux gelées de printemps, explique ce chef de culture. Nous avons effectué le premier essai sur un sol graveleux et, ce printemps, nous allons en faire un second sur 1,2 ha de sol sableux, pour voir s’il s’y comporte différemment. »
En Côtes de Provence, Benoît Laure, directeur général et maître de chai du Château Demonpère, au Luc-en-Provence, dans le Var, a planté 50 ares de nero d’avola. « Parmi les cinq Vifa à l’essai dans notre appellation, ce cépage italien nous semblait le plus intéressant, précise-t-il. Peu sensible à l’oïdium et résistant à la sécheresse, on l’a planté à 10 km du domaine dans une zone où l’irrigation est impossible. »
Benoît Laure (crédit photo DR)
Selon le syndicat de l’AOC, ce sont treize exploitations qui se sont lancées dans l’expérimentation de Vifa, sur 8 hectares au total. Les premiers raisins seront vinifiés dans trois ans. Si la qualité est au rendez-vous, Benoît Laure songe déjà à assembler son nero d’avola avec du grenache ou du cinsault, dans la limite des 10 % autorisés par le cahier des charges.
Dans chaque région, les vignerons qui participent à ces expérimentations doivent tenir un carnet de suivi pendant dix ans. « Date de débourrement, floraison, état sanitaire à la vendange, rendement : nous devons consigner tout un ensemble d’observations, détaille Benoît Laure. Quant à la vinification et au suivi analytique et œnologique des vins, c’est le Centre du rosé, à Vidauban, qui va s’en charger pour nous. »
Au Château Cambon La Pelouse, Guillaume Levasseur préfère mener les micro-vinifications lui-même. « Nous vinifierons séparément les raisins issus de chaque Vifa, dans des petites cuves, sans protocole prédéfini, en fonction du terroir et du millésime. Nous noterons la concentration en sucre, le pH, l’acidité totale, l’IPT, les anthocyanes… et transmettront ces données à l’ODG une fois par an. »
Dans les Côtes du Rhône, le carignan blanc, le rolle, le floréal et le vidoc vont intégrer le cahier des charges de l’AOC en tant que Vifa. « Un quart des surfaces de notre AOC ne sont pas irrigables, indique Viviane Bécard, chargée du projet au syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône. Soit parce que les nappes phréatiques sont trop profondes, soit parce qu’il n’y a pas de réseau pour acheminer l’eau. Il faut donc se tourner vers d’autres solutions. L’inscription dans le cahier des charges de cépages résistants à la sécheresse comme le carignan blanc en fait partie. »
En attendant que ces variétés intègrent officiellement le cahier des charges, le syndicat général des vignerons se tourne vers des précurseurs, qui en ont planté il y a quelques années sans se douter qu’elles pourraient un jour entrer dans l’AOC Côtes du Rhône.
C'est le cas de Gilles Lacroix et son fils Romain. En 2014, ils ont planté 50 ares de carignan blanc en IGP sur leur domaine situé à Tresques, dans le Gard. « A l’époque, nous voulions introduire de la diversité dans nos cépages et répondre au problème du réchauffement climatique, explique Gilles Lacroix. Quand le grenache a un potentiel d’alcool de 15-16° à la vendange, le carignan blanc affiche 13°, voir même de 12° sur des sols pauvres. »
Romain et Gilles Lacroix (crédit photo DR)
Coopérateur à la cave des Vignerons des 4 chemins, Gilles Lacroix n’a jamais vinifié à part le carignan blanc qu’il livre. Alors pour la première fois cet automne, Inter-Rhône est venu chercher des raisins dans ses parcelles pour les vinifier séparément dans sa cuverie expérimentale. Histoire de commencer les essais de vinification, en attendant l’intégration du carignan blanc dans la liste des Vifa. Les premières plantations de cépages d’avenir en Côtes-du-Rhône sont prévues pour le printemps.
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Depuis 2011, les AOC peuvent intégrer dans leurs cahiers des charges des variétés d'intérêt à fin d’adaptation. Plusieurs d’entre elles ont franchi le pas. C’est le cas de Bordeaux, Médoc, Haut-Médoc, Listrac-Médoc, mais aussi des Côtes de Provence, de la Champagne, de la Savoie et des Côtes du Jura. Ces variétés sont choisies avant tout pour apporter une réponse au changement climatique ou à la demande sociétale de réduire les traitements. Ainsi, depuis le 30 novembre dernier, les Champenois peuvent planter du Voltis, un cépage résistant au mildiou et à l’oïdium. Ces Vifa sont plantées en conditions réelles chez des viticulteurs et observées pendant dix ans; après quoi l’INAO dira si elles peuvent intégrer définitivement les cahiers des charges. En attendant, elles peuvent entrer dans les vins d’appellation à hauteur de 10 % maximum d’un assemblage.
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Coup de projecteur sur les Vifa, cépages d'avenir sur lesquels misent les vignerons – Vitisphere.com
février 18, 2025 4 Mins Read
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