En Provence, la chambre d?agriculture du Var et le Centre du rosé observent depuis 2017 une vingtaine de cépages ? étrangers et autochtones ? greffés sur R 110. Le grenache et le cinsault servent de témoins. La parcelle est située au Cannet-des-Maures. « Le terroir est vraiment très difficile : une assise de grès avec très peu de sols, détaille Olivier Thevenon, conseiller viticole à la chambre, qui suit cet essai. Tous les étés, la vigne souffre. » Depuis 2019, les températures battent des records. « Chaque année elles dépassent au moins une fois les 40 °C. Et en 2022 ce fut le cas à trois ou quatre reprises. En parallèle, cette année a été marquée par un fort déficit hydrique dès l?hiver. C?était l?année qu?il fallait pour évaluer les cépages. »
Dans ces conditions, le calabrese (aussi appelé nero d?Avola), un cépage noir originaire de Sicile, est sorti du lot. « Jusqu’à la véraison, il n’a jamais arrêté de pousser, alors que le grenache s’est arrêté le 25 juillet, rapporte le technicien. Au niveau du potentiel hydrique, il est dans le groupe de tête. À la récolte, les moûts gardent une bonne acidité, ce qui est un critère important pour la vinification en rosé. En revanche, il débourre quasiment en même temps que le grenache, ce qui n?est pas idéal compte tenu du risque de gel, et sa maturité est plutôt précoce. »
Cépage Calabrese appelé aussi nero d’Avola (crédit photo Wikimedia)
Autre cépage intéressant dans cet essai : le tempranillo, d?origine espagnole. « D?après l?observation des apex, il a arrêté de pousser le 25 juillet comme le grenache. Mais avant cela, il a poussé sans contrainte jusqu’au 4 juillet, alors que le grenache a commencé à souffrir dès le 20 juin. Au niveau du potentiel hydrique, il se situe au même niveau que le calabrese. Nous ne sommes pas surpris par ces résultats car c’est un cépage que l’on connaît bien. Nous suivons une parcelle plantée depuis les années 1980, sur laquelle il s’est toujours bien comporté. Mais il manque d?acidité, ce qui est rédhibitoire pour la production de rosés. »
L?agiorgitiko, un cépage d’origine grecque, mérite lui aussi qu’on s’y attarde. « Si l’on se fie aux apex, il est plus tolérant à la sécheresse que le grenache, mais au niveau du potentiel hydrique, il est équivalent au grenache », détaille Olivier Thevenon.
Cépage Agiorgitiko (Crédit photo Wikimédia)
Parmi les cépages autochtones, le mourvèdre blanc et le mourvèdre gris paraissent également intéressants. « Ils arrêtent de pousser tôt mais sont bien classés au niveau potentiel hydrique. En dégustation, ils ressortent bien, avec une acidité préservée. Sur le plan agronomique, ils débourrent tardivement, ce qui est un atout compte tenu du risque de gel au printemps. Leur maturité est tardive, là encore un atout pour s?adapter au changement climatique. Nous allons demander leur inscription au catalogue. »
Dans le Bordelais, Agnès Destrac Irvine, ingénieure d?études à l?Inrae de Bordeaux, suit 52 cépages (31 rouges et 21 blancs) greffés sur SO4 et conduits en guyot double. Cette parcelle a été plantée en 2009 sur un sol de graves plutôt sensible à la sécheresse. Outre les mesures sur la phénologie, la vigueur, la composition des baies, etc., Agnès Destrac Irvine a noté cette année les symptômes visuels de stress hydrique ? jaunissement, flétrissement et chute des feuilles ?, d’abord mi-août, puis début septembre, période durant laquelle les vignes n’ont pas reçu une goutte d?eau.
Premier constat : la parcelle a relativement bien résisté à la sécheresse. Surtout le xinisteri, un cépage chypriote. « Il n?a exprimé quasiment aucun symptôme de jaunissement. »
Cépage Xinisteri (crédit photo Wikimedia)
Dans le top 10 des cépages qui ont le mieux résisté, on trouve aussi le cabernet-sauvignon, le cot, le grenache, la muscadelle, le liliorila et le cépage portugais tinto cao. Le merlot, le cabernet franc, le sauvignon, le petit verdot et le marselan, ont eu un comportement intermédiaire. À l?opposé, le tempranillo, l?albarino, le sémillon et le tannat ont exprimé des symptômes sévères. Dans le Var, toutefois, le tempranillo s’est mieux comporté (voir ci-dessus). « Nous sommes contraints par le mode de conduite et le type de sol. Or, en adaptant le mode de conduite, on peut améliorer la tolérance à la sécheresse. Le tempranillo, très présent en Espagne, y est parfois conduit en gobelet », nuance la chercheuse.
« Les porte-greffes actuellement plantés dans le Bordelais ont passé le cap de cette année particulièrement sèche », rapporte Elisa Marguerit, maître de conférences à Bordeaux Sciences Agro, qui coordonne le projet GreffAdapt. « Nous pensions que le 101-14MGt, le Riparia Gloire de Montpellier ou encore le 3309 C, réputés sensibles à la sécheresse, souffriraient beaucoup. Mais cela n’a pas été le cas. Ils n’ont pas causé de défoliation plus marquée que les autres, ni plus de flétrissement des baies. Le SO4 a aussi tenu la barre. C’est un résultat qui interpelle et qui reste à confirmer avec le rendement et le poids des baies que nous sommes en train de compiler. Il est possible que l’on ait des écarts car les rendements en jus ont été très faibles. » La chercheuse avance comme hypothèse le fait que l’eau a manqué dès le début du cycle de la vigne, qui aurait donc eu le temps de s’y adapter. GreffAdapt est un dispositif expérimental qui comprend 55 porte-greffes – 30 inscrits au catalogue français et 25 étrangers – choisis selon leur réputation de tolérance à la sécheresse, greffés sur cinq greffons (cabernet-sauvignon, ugni-blanc, pinot noir, grenache, syrah). Ces vignes ont été plantées en 2015 et 2016 sur le domaine expérimental Inrae de la Grande Ferrade, à Villenave-d’Ornon.
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Le cépage constitue un important levier d'adaptation au réchauffement climatique – Vitisphere.com
février 19, 2025 4 Mins Read
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