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Il est né en Gironde mais il a fait du Saumurois son terroir d’élection. En 1991, à l’âge de 23 ans, Thierry Germain quitte les rives de la Garonne pour les bords de la Loire. Séduit par le tuffeau et la lumière de la région, il débarque avec sa femme Marie au Domaine des Roches neuves, à Varrains (49). Il n’est pas propriétaire : le vignoble est géré en exploitation – un groupement foncier viticole- par l’Union française de gestion, une filiale du Crédit mutuel. Mais Thierry Germain a fait comme s’il l’avait toujours été. Il le deviendra par la grâce d’un acte notarié, en 2012.
Une vingtaine d’années au cours desquelles le grand barbu au regard doux est devenu un as des monocépages, un orfèvre du cabernet franc et du chenin (« plus grand cépage au monde avec le riesling »), un chantre de la viticulture biodynamique. Et surtout, l’une des plus grandes signatures du vignoble ligérien, empruntant à Saumur-Champigny la voie ouverte par feu Charly Foucault du mythique Clos Rougeard dont il était très proche.
En cette fin octobre, Thierry Germain est de passage à Bordeaux. Un peu plus tard dans la journée, il doit tenir conférence (« Les grands entretiens ») à la Cité du vin. Auditorium plein comme un œuf, jeunes professionnels et amateurs au rendez-vous. Conquis.
Mais, pour l’instant, en cet après-midi, Thierry Germain prend la pose pour le photographe de « Sud Ouest » devant l’emblématique bâtiment en forme de carafe. On croit déceler un éclair de nostalgie le traverser à l’évocation du Chat bleu, boîte de nuit qui animait les quais il y a trente ans. Thierry Germain doit reprendre le train dès le lendemain à 6 h 30 : il a laissé en plan ses décuvages. S’il est venu, c’est pour partager sa vision du vin et de la viticulture, qu’on peut tenter de résumer en quelques formules ternaires : « La vie, l’observation, le respect ». « Le terroir, la fleur, le fruit ».
Fidèle à sa réputation, Thierry Germain a la consécration modeste. Pourtant, ce représentant de la sixième génération d’une famille de vignerons du Blayais est aujourd’hui une voix qui porte dans les vignes de France : « On ne peut pas faire du vin sans s’intéresser au monde et à la culture. C’est indispensable dans la réalisation d’une grande bouteille. Il faut des rencontres, des lectures… L’écrivain Jean-Paul Kauffmann m’a dit un jour : ‘Lorsque tu intégreras que le cabernet franc est un cépage végétal, tu auras fait un grand pas’. Il avait raison. Il a mis les mots justes au bon moment, au bon endroit ».
Dans le contexte de changement climatique, le cabernet franc est en effet un cépage qui fait l’objet de toutes les attentions. « Il vient du sud, c’est le cépage de demain ». « Le cabernet franc, c’est végétal, il faut tourner autour. Le beau végétal c’est quoi ? Le floral, les épices, le fruité. C’est un cépage qui prend l’identité terroir dès qu’on reste dans le vivant. Il faut le cueillir sur le fil, lorsqu’il a le plus d’acidité. » Son plus grand vin ? Clos de l’Echelier 2018 : « J’ai ramassé 15 jours avant tout le monde. Les énergies dans le chai, c’était incroyable. Faire du vin, c’est transmettre une émotion. Si j’avais mis de l’analytique dessus, jamais je n’aurais ramassé la parcelle. »
Ses cuvées s’appellent La Marginale, Les Mémoires, Les Terres chaudes… Les Roches neuves comptent 28 hectares et 14 salariés. « La viticulture, c’est d’abord de l’humain. Il faut trouver les bonnes personnes. » Thierry Germain en aide bon nombre à se mettre à leur compte. Il propose gratuitement matériel et circuit de distribution. Deux de ses trois enfants travaillent avec lui : sa fille Jeanne et ses chevaux de labour, Louis, son fils, « qui est un cartésien ».
Il regarde Bordeaux. « Je ne veux pas être un donneur de leçons. J’en suis parti un peu énervé il y a trente ans. Trop de poids des institutions… Trop de vins pour plaire à tout le monde… Les choses ont beaucoup évolué. Si j’avais dix ans de moins, je serais revenu m’intéresser au Blayais ou au Bourgeais. Il y a là de grands terroirs. Il y a cette croupe calcaire. J’ai à nouveau plaisir à boire des Bordeaux. »
Il parle de ceux qu’il aime. Il y a en commun une esthétique et une approche tellurique : la famille Amoreau au Château Le Puy, Thierry Valette au Clos Puy Arnaud, Olivier Decelle au Château Jean Faure, Jean-Yves Millaire au Château Lamarche Canon, Nicolas Dabudyk au Château Lariveau… Évoquant le millésime 2021, et avec ses 33 vendanges au compteur, il dit : «C’est le millésime le plus difficile que j’ai eu à faire de ma vie ». Et il dit aussi que, toujours, il doute.
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Thierry Germain, artiste du cabernet franc – Sud Ouest
février 19, 2025 4 Mins Read
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