Les coûts de production d’un excellent cru ne dépassent pas 20 francs. Pourtant, les prix flambent, comme dans le marché de l’art. La Suisse n’échappe plus à la tendance
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Electus et le «juste prix» du vin
Il s’appelle Electus. L’élu, en latin. Ce pourrait être le nom d’un film de Clint Eastwood ou d’un bifidus très, très actif. Rien de tout cela: ce patronyme un brin pompeux a été choisi par la coopérative Provins pour désigner «le premier vin icône suisse». Lancé à Londres en septembre 2013, cet assemblage de cornalin, humagne rouge, cabernet sauvignon, syrah, diolinoir, merlot et cabernet franc est destiné exclusivement à l’export. Son prix? Plus de 200 francs la bouteille. Comme d’autres, j’ai voulu goûter. On m’a poliment répondu par la négative. «La priorité est d’obtenir une distinction internationale.»
Un tel prix pour un vin suisse constitue un record. Mais cela reste très loin des meilleurs crus mondiaux. Selon le site www.wine-searcher.com, le vin le plus cher du monde est bourguignon: une bouteille de Henri Jayer Richebourg Grand Cru s’est négociée en 2013 à 16 343 dollars en moyenne (14 500 francs), tous millésimes confondus.
Electus se place au niveau de certains grands crus classés du Bordelais, à un prix qui dépasse d’un facteur dix ses coûts de production. Selon l’estimation de plusieurs vignerons, le prix de revient d’une bouteille haut de gamme atteint au maximum 20 francs. Ce que vous payez en plus dépend de la rareté, de l’appellation ou du millésime et d’autres critères qui ne sont pas forcément rationnels, comme dans le marché de l’art.
Fixer un prix résolument élevé est une façon de rendre un vin attractif, quelle que soit sa qualité. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Hilke Plassmann, chercheuse en neurosciences. Dans une étude menée en 2008, elle a soumis à un panel de dégustateurs un même et unique vin affiché avec des prix différents compris entre 5 et 90 dollars. Une nette majorité a préféré l’échantillon le plus cher. La résonance magnétique pratiquée pendant le test a montré une activité importante dans la partie du cerveau qui encode le plaisir lors de la dégustation de l’échantillon perçu comme onéreux.
Avec des vins à plus de 100 francs, la qualité est forcément élevée, mais elle ne constitue plus l’enjeu principal. L’objectif est de titiller le cortex des consommateurs, comme dans l’industrie du luxe. Electus constitue à ce titre un pari risqué mais indispensable pour développer la notoriété des vins indigènes. Avec un message très clair: «Oyez, oyez amis européens, la petite Suisse est aussi capable de produire de grands vins.»
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Electus et le «juste prix» du vin – Le Temps
février 19, 2025 2 Mins Read
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