016, les droits de plantation deviennent les autorisations de plantation, plus libéralisées. La société Boisset Effervescence y voit l’opportunité de rapprocher ses approvisionnements en vins de base mousseux de son chai de vinification, tout en en maîtrisant la qualité. « L’année même, notre projet de vignoble innovant est acté, se souvient Georges Legrand, conseiller du président Jean-Claude Boisset. Deux ans plus tard, 60 ha étaient en place. On a pris tout le monde de court. »
Nom du projet : Vignobles Innovants du Val de Saône, ou Vivas. Le concept : une entente de long terme entre une dizaine d’agriculteurs et Boisset. Les premiers plantent des vignes en plaine, quand le second leur signe un contrat d’achat de dix-huit ans. Entre eux, les coopératives Dijon Céréales et Bourgogne du Sud jouent le rôle d’entremetteur et de soutien technique.
Géographiquement, le projet s’organise en deux pôles de 30 ha : l’un en plaine de Saône, l’autre en plaine du Doubs, tous deux à environ une demi-heure de la cuverie de Boisset, située à Nuits-Saint-Georges. Les futurs « agri-viticulteurs » y possèdent des terres fertiles, d’ordinaire destinées aux grandes cultures, qu’ils plantent en ugni blanc, colombard et chardonnay au printemps 2018. À 3 800 pieds à l’hectare, leurs parcelles sont dotées d’un unique fil porteur. « L’idée est de conduire ces vignes comme un verger », esquisse Benoît Panier, technicien à la coopérative Bourgogne du Sud et responsable du suivi de Vivas.
Mais les premières années se révèlent plus difficiles que prévu. « Cette mise en place a impliqué une grosse surcharge de travail. On ignorait ce que c’était de planter 30 ha d’un coup », reconnaît Gilles Dumey, l’un des agriculteurs partenaires, installé à Saint-Loup-Géanges (Saône-et-Loire), où il exploite 188 ha de céréales et d’oléagineux. D’abord, il a fallu tailler à la main les trois premières années. Mais c’est surtout la mise en place des cordons, les deuxième et troisième années, qui a pris du temps. » Un cordon unique qu’il a fallu enrouler autour du fil puis sur le cordon suivant, afin de répartir le poids de la récolte et d’éviter la bascule de la haie foliaire. « Pour ce faire, nous avons signé une année jusqu’à 100 contrats de saisonniers », explique Gilles Dumey.
Une fois les vignes en place, la conduite retenue a tenu ses promesses. « Le travail est largement mécanisé et nécessite peu de main-d’œuvre », résume Benoît Panier. Et ce, dès la taille. « On passe d’abord en taille rase de précision avec une Pellenc, ce qui représente un peu plus d’une heure à l’hectare, apprécie Gilles Dumey. On vise un œil unique par courson. Puis on repasse à la main pour les sarments qui ont poussé sous le cordon, et que la tailleuse ne détecte pas. On estime cette seconde partie de 10 à 15 h/ha. »
L’ébourgeonnage va aussi très vite : aucun sur les cordons, et épamprage chimique (Sorcier) des troncs. Quant au relevage, il est inexistant. Avec son fil unique, « ce vignoble n’est pas palissé, il requiert seulement trois à quatre rognages par saison. On vise 80 cm à 1 m de hauteur de feuillage à partir du cordon, et 50 à 70 cm d’épaisseur », témoigne Gilles Dumey. Un rognage « pas trop sévère, pour obtenir une maturité autour de 10,5 à 11° potentiels », précise Marcel Combes, le directeur de Boisset Effervescence.
La conduite de ce vignoble éco-intensif, c’est aussi une irrigation et une fertirrigation si besoin. « C’est du goutte-à-goutte que nous déclenchons dans les moments clés », indique l’exploitant. Cette année, à la mi-juillet, il n’avait été déclenché qu’une seule fois pour un apport de 40 mm d’eau au total. Un système encore une fois peu chronophage, « sauf pour l’entretien des tuyaux », détaille-t-il.
Quant aux sols, ils sont enherbés entre les rangs et désherbés chimiquement en deux passages sous le rang. « Nous appliquons la dose autorisée de glyphosate en un seul passage, associée à un herbicide de prélevée, rapporte Gilles Dumey. Pour l’autre passage, nous comptons sur l’épamprage chimique : le produit est appliqué avec une cage à balai, et permet donc de désherber au passage le cavaillon. » La saison prend fin avec la vendange mécanique, seule intervention effectuée par un prestataire. « Un confrère, qui cultive du cassis, possède une New Holland. Il n’en a pas besoin en septembre, nous l’avons donc chargé de la vendange. » Temps estimé : 1,5 h/ha.
Reste une opération très contraignante : la protection phytosanitaire. Selon Benoît Panier, « c’est le seul travail où on ne gagne pas de temps par rapport à un vignoble classique. Il faut environ 13 heures pour traiter les 35 ha. C’est très chronophage, surtout pour ces exploitants qui ont d’autres cultures à côté. »Gilles Dumey confirme : « Nous avons dû renouveler la protection fongicide pendant les moissons. »
De plus, le matériel utilisé pose question. Équipés de panneaux récupérateurs pour protéger l’environnement, les exploitants ont fait face à un imprévu. « Dans des terrains de plaine humides comme les nôtres, le feuillage est abondant et nous pouvons avoir énormément de rosée le matin, rapporte Gilles Dumey. Avec les panneaux récupérateurs, cela peut diluer la bouillie. Ainsi, il faut parfois attendre 10 h du matin pour commencer la protection. Cela complique l’organisation. »
À l’avenir, une solution pourrait se dessiner : les partenaires de Vivas ont planté 3,5 ha de cépages résistants en 2021, afin de les tester : souvignier gris, soreli, fleurtai, floréal et voltis qui pour l’instant répondent aux objectifs. « Cette saison, nous avons effectué zéro traitement jusqu’à début juillet. Nous n’avons eu ni mildiou, ni oïdium, mais un peu de black-rot, ce qui nous a obligés à faire deux passages en juillet. »De bon augure pour Marcel Combes, le directeur de Boisset Effervescence, qui envisage d’en planter davantage « s’ils font de bons vins de base ».
Malgré le bémol de la protection phyto,ce vignoble « nous apporte globalement satisfaction », juge Gilles Dumey. « Chaque pôle de 30 ha s’en sort avec deux saisonniers pour la taille et aucun pendant la saison », ajoute Benoît Panier.
Mais un autre élément va faire la différence : les rendements. Cruciaux pour Boisset comme pour les viticulteurs, ils sont pour l’instant en dessous des attentes. « Lors de la récolte 2022, au stade 5e feuille, nous étions à environ à 120 hl/ha pour le chardonnay et 150 hl/ha pour l’ugni blanc et le colombard. Nous visons plutôt 150 et 180 hl/ha, reconnaît Marcel Combes. On va atteindre cet objectif. Après tout, les vignes sont encore très jeunes. En cas de difficulté, nous pourrions tailler plus haut, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour. »
Pour ce qui est de la récolte 2023, mi-juillet, les choses se présentent bien : les pieds sont vigoureux, le feuillage est sain et les grappes sont abondantes et dotées d’une grande charpente, malgré un peu de coulure et de millerandage. Alors, judicieux ce projet ? « Il est trop tôt pour en tirer tous les enseignements », tranche Marcel Combes. Mais déjà d’autres agriculteurs seraient intéressés pour rejoindre l’aventure. « Il est possible que l’on plante à nouveau dans deux ou trois ans », lâche Marcel Combes.
Autre originalité du projet Vivas, l’organisation du travail. « Sur ma commune, nous sommes quatre agriculteurs pour un peu plus de 30 ha, rapporte Gilles Dumey. En début de saison, nous formons deux binômes et nous nous répartissons les tâches : un binôme sera responsable de tous les rognages, un autre de tous les traitements. Nous nous partageons ainsi tous les travaux. Puis, en fin de saison, nous comptons les heures de chacun, pour éventuellement rééquilibrer. » Seule exception : la taille. « C’est plus libre, car nous avons davantage de temps en hiver. » Quant au matériel viticole – deux Fendt, deux pulvés Friuli, une rampe de désherbage, deux rogneuses, un broyeur et une tondeuse – il appartient à une Cuma à laquelle adhèrent tous les agri-viticulteurs.
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"Des vignes conduites comme un verger" bienvenue dans le vignoble éco-intensif de Boisset Effervescence en Bourgogne – Vitisphere.com
février 19, 2025 5 Mins Read
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