C’est l’histoire d’une reconversion réussie à La Biolle, celle de Benoît Badin, fondateur d’une vinaigrerie artisanale. Entre Savoie et Birmanie, zoom sur le parcours atypique d’un ingénieur hydroélectricien de haut niveau.
Benoît Badin aurait pu rester beaucoup plus longtemps spectateur de sa propre vie qui faisait vagabonder les imaginations.
Ingénieur responsable de la construction d’un énorme barrage hydro-électrique en Birmanie, situé sur un théâtre de guerres larvées, il ne comptait plus ses heures d’aéroports, de transferts en 4X4 sur des routes improbables, tous les ingrédients de l’aventure étaient à sa disposition.
Benoît Badin ne s’en cache pas : « C’était une vie passionnante, mais éprouvante malgré les privilèges : vous êtes à l’international, souvent avec les hauts fonctionnaires du pays sauf qu’en même temps, en passant ma vie dans des avions, je me posais des questions sur la transition énergétique. Je pensais à ma famille, à mes enfants et aux générations futures : est-ce que je ne fais pas plus partie du problème que de la solution ? ».
Et la réponse ne s’est pas fait trop attendre. Mais pour quelle nouvelle vie en accord avec ses convictions de profonde humanité ? C’est d’un geste d’une banalité affligeante que va jaillir l’étincelle, en versant un fond de bouteille de vinaigre dans une eau destinée au lavage de ses légumes.
Un soir de juillet 2021. Moment magique, coup de foudre, un euréka en bonne et due forme : ce sera un artisanat inédit de vinaigres réalisés avec des vins de Savoie !
Après un an de méthode orléanaise à l’ancienne, Benoît Badin peut parler de son nouvel outil de travail avec enthousiasme car les premiers résultats de commercialisation sont très prometteurs : « Mon épouse et ma famille m’ont parfaitement soutenu dans ce projet et donc ma tante Sylvie Millefaut, qui a fait carrière dans l’industrie pharmaceutique. J’ai commencé avec le vinaigre de vin rouge car les gens utilisent moins le vinaigre de vin blanc alors que dans le pourtour méditerranéen, c’est presque un produit de base. Les vins de Savoie, c’est presque 80% de blanc. Mon vinaigre rouge est donc du vinaigre de Mondeuse. Mais le vin blanc me permet de proposer une déclinaison de différents vinaigres aux herbes avec des saveurs subtiles comme l’hysope, le génépi, l’ail noir, le safran, et les bourgeons de sapin. Au bout de 3 semaines de macération de la plante, je pourrais la retirer mais je trouve que c’est tellement joli que je les conserve. »
Benoît Badin le bâtisseur de mégastructures, contemple aujourd’hui l’évolution de ses bactéries acétiques qui ont besoin de chaleur constante, d’une certaine forme de bienveillance en quelque sorte. Cela ressemble bien à une reconversion de passions humaines parfaitement réussie.
Benoît Badin est le bienvenu chez les vignerons savoyards, puisqu’ils peuvent lui céder des produits qu’ils n’ont plus le droit d’écouler selon la législation en vigueur.

Les vignerons n’échappent pas au respect de règles précises dont celle-ci en particulier qui leur impose de rester en deçà de 0,94 d’acidité volatile totale pour leur production de vin de table. Donc, dès qu’ils franchissent ce seuil ils n’ont plus le droit de vendre leur production en vin de table.
Les grandes maisons, la cave de Chautagne par exemple, disposent d’œnologues conseils et d’équipements techniques qui permettent d’éviter de dépasser ce seuil. Benoît prend un exemple typique d’une situation très différente : « Pour le vigneron qui fait de très bons produits en moindre quantité, s’il a par exemple 800 litres qui ont pris de la "volatile", il est content de me trouver depuis que je me suis ancré dans l’écosystème en passant mon initiative aux vins de Savoie. Si je ne suis pas là, en trois ou quatre jours, ses 800 litres peuvent vite servir à faire du gel hydroalcoolique alors que pour moi, ce produit peut avoir une belle compétence aromatique . »
Le stéréotype de son approvisionnement en vins de Savoie fait qu’il se limite à moins de 30 km de son entreprise. Ses cépages en vins blancs sont des cépages Jacquère, les plus répandus en vins de Savoie comme l’Apremont par exemple. Pour le rouge, c’est inévitablement la Mondeuse mais quelles que soient la couleur d’origine, le vinaigre de Savoie a désormais de nouvelles lettres de noblesse.
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