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« Hermoso paisaje ! » Des accents sud-américains, enthousiastes à la vue du vignoble qui s’étale, apportent un peu de soleil au ciel de plomb qui menace en cette fin d’après-midi.
Un groupement d’une vingtaine de vignerons originaires d’Uruguay a traversé l’Atlantique pour aller à la rencontre de leurs homologues du Madiran, dans différents domaines de l’appellation. Les professionnels, qui se rencontraient pour la première fois, ont pu échanger vendredi 2 juin au château d’Aydie, sur un cépage qui les unit malgré les 10 000 kilomètres qui les séparent : le tannat.
Ce cépage, mentionné pour la première fois dans le Gers en 1783, a été introduit dans ce petit pays d’Amérique du Sud en 1870 par Pascual Harriague, émigré originaire du Pays basque français, installé dans la ville de Salto. « Pendant longtemps, ce cépage était connu sous le nom de Harriague et il a contribué au développement de la vigne déjà implantée avec la colonisation espagnole », précise Nestor Meriño, conseiller technique du regroupement uruguayen.
Depuis la modernisation du pays dans les années 80, les viticulteurs ont amélioré la qualité des cépages, tout en diminuant grandement les surfaces d’exploitation, passant de 15 000 à 6 000 hectares. Cette recherche de finesse a porté ses fruits puisque aujourd’hui, le tannat est cultivé sur plus de 1 500 hectares, soit un tiers de la production, principalement dans le département de Canelones. Le climat maritime, bercé par l’influence conjuguée de l’océan Atlantique et du Río de la Plata,a contribué à l’épanouissement de ce cépage, célébré chaque année à l’occasion du « Tannat day », le 14 avril.
Solidement ancré entre les rangs de vigne dont il assure aujourd’hui la production, Grégory Laplace répond aux questions sur l’achat de raisins, les vendanges, les maladies de la vigne. Les viticulteurs se montrent particulièrement intéressés par les sujets de coût de production et de techniques agroécologiques, dans un pays où 70 % du nombre total de vignobles (800) sont situés dans une fourchette de taille inférieure ou égale à cinq hectares.
Pour rattraper son retard technique qui avait été accumulé depuis des années, la filière viticole uruguayenne s’est largement inspirée de la France, en travaillant étroitement avec des institutions de recherche et enseignement français, comme l’Inrae (1).
Dans un premier temps, ces échanges ont permis de reconvertir rapidement les cépages et techniques viticoles dans les exploitations des membres des regroupements Crea, puis dans le reste de la viticulture. Les méthodes de travail de ces Crea, qui sont une cinquantaine aujourd’hui, se sont d’ailleurs inspirées des groupes Ceta français.
Parmi les viticulteurs présents à Aydie, Frederico Baccino s’exprime dans un français presque impeccable. Ce producteur de raisins à San José, qui s’est formé à distance avec l’Inrae de Montpellier, a repris il y a vingt-cinq ans l’exploitation familiale que son grand-père avant mise sur pied en 1954. Sur 70 hectares de vignes, le viticulteur produit principalement du tannat, mais aussi du sauvignon blanc, du merlot – troisième cépage du pays – du pinot noir, du cabernet franc : « En cherchant des produits plus fruités, plus jeunes, on s’inscrit dans la même logique que la France : on a une viticulture presque française. La France, c’est le père ! »
Alors que l’Europe a protégé ses vins et ses régions de productions grâce aux appellations, les grands producteurs du continent américain mettent en avant le cépage, offrant plus de souplesse sur les volumes et la qualité. « L’Argentine fait aujourd’hui le succès du malbec originaire de Cahors », observe François Laplace, fin connaisseur, qui a transmis le domaine familial à ses enfants et son neveu. « Aux États-Unis, on goûte le chardonnay ou le sauvignon. C’est plus facile à comprendre. »
Libéré des appellations, avec une consommation annuelle importante (32 litres par habitant) et maillé d’exploitations familiales, le territoire uruguayen fait preuve d’un dynamisme qui fait recette, puisqu’un tiers des tannats au monde y sont aujourd’hui produits.
Ce potentiel est scruté de près par les viticulteurs de la filière, fragilisée par la baisse de la consommation des vins rouges. « Il n’y a pas de concurrence mais plutôt une entente et une passion commune autour d’un cépage », assure Camille Laplace, la fille, qui s’occupe de la gestion du domaine.
À l’issue de cette rencontre, les professionnels espèrent créer une dynamique commune autour du tannat, dont une jeune génération s’est emparée et qui fait toujours la fierté de l’AOC Madiran.
(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
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Vignoble du Madiran : « De l’Uruguay au Béarn, le tannat est un cépage qui nous lie » – Sud Ouest
février 18, 2025 3 Mins Read
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