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Des rêves, Jérôme Maillot en a réalisés quelques-uns, comme “faire du tango argentin pendant dix ans”. Ou créer son propre domaine “Le temps des rêveurs”, après avoir vinifié pendant douze ans le vin des autres, d’abord à Cairanne chez Max Aubert au domaine de la Présidente, puis pour les domaines Meffre, en Costières de Nîmes et à Gigondas. Mais en 2014, ce natif d’Aix-en-Provence se rassemble et fait le bilan. Retour en arrière.
“C’est dans les dentelles de Montmirail que j’ai eu mon premier coup de foudre pour le vin lors d’une virée à Gigondas. J’étais lycéen, après cette expérience, j’avais toujours gardé en tête le rêve ultime de faire du vin”, retrace-t-il.
Loin d’être une tocade, l’idée trotte toutes ces années, puis s’impose comme une évidence, quand Jérôme Maillot décide de reprendre des vignes familiales à Pourrières.
Dans la plaine viticole arrosée par l’Arc, au pied de la Sainte Victoire, il a hérité d’un petit vignoble en sommeil de 5 hectares. De vieux carignan, des ugni blanc, et beaucoup de cabernet sauvignon, apportés à la cave coopérative de Pourrières faute de cave pour vinifier les raisins. Cette configuration va freiner ses ardeurs d’installation.
“L’adhésion à une coopérative entraîne des engagements réciproques, pour la structure coopérative et pour l’agriculteur. Mon contrat de cinq ans arrivait à terme mais je n’avais pas de cave adaptée pour vinifier une vendange complète”,explique Jérôme Maillot.
Pour temporiser, il bascule toutes ses parcelles à la coopérative de Rousset en prenant un engagement oral, plus flexible, avec la possibilité de récupérer petit à petit les vignes: un hectare en 2016, puis un autre en 2018, etc.
Cette sortie de cave ménagée a permis à Jérôme Maillot de mûrir son projet, dans une quête d’excellence sans concession. Celle de produire un vin pur, “au plus près du raisin”.
Bien au-delà du bio et de la biodynamie – deux modes culturaux qu’il pratique dès l’installation, avec le label AB uniquement –, Jérôme Maillot a repensé le travail de son vignoble dans la globalité de son environnement: plantation d’arbres fruitiers dans les vignes, recours à la sélection massale pour conserver le patrimoine viticole planté par ses aïeux en coupant des sarments sur les meilleurs ceps pour obtenir ses propres greffons, recours à la greffe en place selon l’usage ancestral.
Autant de choix militants qui imposent au vigneron d’importants investissements au vignoble, pour réorienter l’encépagement selon son goût, et tracer un nouveau sillon, à rebours des pratiques culturales dominantes.
Le secteur de Pourrières subit encore l’influence des mythiques domaines Trévallon (Baux-de-Provence) et château Vignelaure (à Rians), qui dans les années 1980, avaient fait le choix controversé du cabernet-sauvignon, un cépage bordelais qui s’imposera rapidement dans la plaine.
“C’est rentré dans les décrets d’appellation, les caves incitaient à planter, mon père a suivi. J’ai plus capitalisé les vignes d’ugni blanc et de carignan plantées par mon grand-père dans les années 1960”, admet Jérôme Maillot.
Son premier vin, A nos étoiles 2016, un pur carignan vinifié dans une approche nature (très faible ajout de SO2), lui permet de renouer avec ce cépage tombé en désuétude. En 2018, il récidive avec la cuvée Pépins, du même bois.
“Quand les rendements sont maîtrisés, le carignan produit des raisins magnifiques”, apprécie le vigneron qui a aussi remis au goût du jour le carignan blanc, en surgreffant(1) des cabernet sauvignon.
Ils donnent le magnifique blanc En surface, en référence à la chanson d’Étienne Daho. À l’instar des autres cuvées du domaine qui portent toutes des noms de chansons: Immortels, clin d’œil posthume à Alain Baschung;Détroits,un blanc issu de vieilles vignes d’ugni blanc élevées en amphore de terre cuite, en référence à Philippe Pigeard du groupe Tanger. Ou encorePassage (“Les Oiseaux de passage” de Georges Brassens), référence à l’esprit de poésie réfractaire (oies de passage contre pigeons) qui anime un Jérôme Maillot décidément inclassable.
(1) Le surgreffage permet de changer le cépage d’une vigne en gagnant du temps: on ne perd qu’un an de récolte. La technique permet de changer de couleur, pour passer par exemple d’un cabernet sauvignon (noir) à un carignan blanc.
En surface 2023
Sur un terroir limono argileux propice à la fraîcheur, ce blanc réaffirme l’élégance et le potentiel de garde du carignan blanc, un cépage oublié. Sa couleur orangée obtenue par macération de deux tiers des raisins, lui confère une aromatique bien présente: un nez miellé, proche du raisin, évoquant le sirop de pêche. La bouche fraîche et dense, est plus tendue, sur les notes de citron vert et de bergamote. Longue finale portée par des notes salines en fin de bouche, ce qui le rend particulièrement sapide. Avec des poissons grillés. Vin de France blanc, bio, 20 euros, Le Temps des rêveurs, à Pourrières.
À nos étoiles! 2022
Ce 100% carignan issu de vieilles vignes apprivoisées par trois générations de vignerons, a été vinifié en grappes entières, en alternant dans la cuve des couches de raisins foulés et des couches de grappes entières. Une semi-carbonique (16 jours de macération) pour lui conserver tout son fruit. Il se révèle dans toute son intensité, sur un bouquet de fruits noirs et rouges, de framboise. En bouche, on retrouve le petit côté rustique du carignan, c’est charnu, sanguin, très salivant, avec une belle acidité gourmande et chaleureuse qui se prolonge en finale. Avec des toasts de tapenade d’olive noire, une daube provençale, des viandes de gibier. Vin de France rouge, bio, 18 euros (40 euros le magnum), Le temps des rêveurs, à Pourrières.
Passage 2021
Cette sélection massale de syrah (70%) et grenache (30%) plantés en 2013 sur un sol où se confondent roche mère de safre, argiles rouges et calcaires d’érosion du massif de la Sainte Victoire, offre plus de structure: des tanins mûrs, une texture fluide, une aromatique tout en puissance où dominent les fruits noirs (cerise), les notes florales, les épices (poivre) de la syrah et une pointe saline en finale. Un rouge rempli de finesse, à servir avec un gigot de 7 heures, ou un carré d’agneau. Vin de France rouge, bio, 28 euros (60 euros le magnum), Le temps des rêveurs, à Pourrières.
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