Aurélie Deharbe, cheffe sommelière, nous accompagne dans le choix de nos bouteilles de vin pour les fêtes de Noël.
Qu’il soit rouge ou blanc, l’accord entre le vin et le plat va devoir chercher l’harmonie. Si étonnant que cela paraisse, cette quête de l’harmonie peut emprunter le chemin des désaccords ou des oppositions. Par exemple, on peut contrer le gras d’un plat par l’acidité d’un vin et vice-et-versa. Sachant que le plat passe avant le vin et ce dernier ne doit pas prendre le pas sur le premier. “Pour ma part, je préfère la complémentarité, avec un plat léger, je choisis un rouge léger, avec un plat corsé, un vin corsé etc. En d’autres termes, j’ouvre un margaux de 2008, qui a de la féminité et de l’élégance, je vais chercher à l’associer à un pavé de biche agrémentée d’une sauce veloutée, explique Aurélie Deharbe.Si je choisis à la puissance d’un Pessac Léognan, tannique et épicée, j’irais sur un plat de de gibier. Enfin, j’aime les accords de couleur, et pas seulement entre le vin et le met, aussi avec l’art de la table, la nappe, la vaisselle, les fleurs. Le verre achève de parfaire le spectacle.”
Tout dépend du terroir. Si je choisis un bourgogne rouge, je vais le préférer plus jeune, si je choisi un bordeaux, je vais aller sur des millésimes plus anciens. Et j’avoue que j’ai un faible pour le 2008 qui n’est pas celui que l’on citerait en premier. C’est encore un vin jeune comparé à d’autres millésimes de bordeaux qui ne seront à leur plénitude que bien plus tard. Les Margaux 2008 sont, ce point de vue, un bon rapport qualité prix. D’une manière générale, plus les plats ont de la complexité, plus on va chercher des vins assez vieux pour leur charpente et la souplesse de leurs tanins. Sur les plats qui appellent des vins légers, la question du millésime se pose moins, on peut choisir un vin de l’année.
“Si on s’en tient à l’accord de couleur, une volaille ou un veau à la crèmedoit logiquement mieux se marier avec un blanc qu’un rouge. Et c’est mon point de vue. Un blanc avec de l’ampleur et aussi de la vivacité conviendra mieux. Surtout si la sauce évolue sur des notes douces vanillées sans acidité excessive. En revanche, avec un gibier en sauce, c’est le vin rouge qui s’impose. Il est évident qu’avec un coq au riesling ou au vin jaune, on ne va pas chercher un autre vin. De la même manière que les rouges charpentés sont à proscrire avec les plats à base de poissons et de produits de la mer. Les tannins récusent le mariage avec l’iode. Sauf si la sauce est au vin rouge et alors elle devient le chef d’orchestre et le choix va se porter sur des rouges légers.
La carafe. Elle se justifie par l’élégance du service. Mais les vieux vins peuvent mourir dans la carafe.En revanche, elle peut assouplir les vins trop puissants, les plus jeunes en général.
Le bon verre. Il ne doit pas être lourd, déséquilibré et être épais. La délicatesse du “buvant”, le bord du verre, participe du plaisir de la dégustation. Il existe des verres pour pinot noir, chardonnay, syrah, cabernet… Cela peut être un beau cadeau de Noël.
Elle dépend de l’origine du vin, s’il est méridional, on le servira plus chaud qu’un vin septentrional : 12 à 15 °C pour un rouge de Loire, 16 à 18°C pour un Languedoc. L’acidité ressort dans un vin trop froid, la matière s’évanouit quand il est trop chaud. Il ne faut pas le mettre au réfrigérateur pour le refroidir, juste dans un seau d’eau fraîche.
Ce que j’appelle le verre du chef, ou amener le vin à l’épaule (niveau où la bouteille s’évase), cela permet de le jauger, de voir s’il a un défaut et d’y remédier ou non. Car s’il est bouchonné, on le jette, on ne l’utilise même pas pour la cuisine car la bactérie à l’origine de ce goût rédhibitoire est aussi toxique pour l’homme. S’il perle, on peut le carafer, c’est souvent le cas avec les vins nature, d’autres secouent la bouteille pour faire partir le gaz carbonique indésirable.
Avec une poularde de Bresse :si elle est en crapaudine et servie avec de la truffe ou des champignons des bois, je choisirai un pinot noir élégant, équilibré sans être dénué de caractère, par exemple un Chambolle-Musigny 2009 qui est un grand bourgogne à prix abordable.
Avec un lièvre à la Royale : il faut s’orienter vers un Saint-Emilion (2008) ou un Pessac Léognan (2009 ou 2010), des millésimes ensoleillés, puissants et épicés qui vont bien se tenir en compagnie de ce monument de la gastronomie française et sa sauce d’une grande profondeur.
Avec un magret de canard : agrémentés de grains de cassis juste revenus dans un jus au romarin, il faut aller chercher le poivre d’une syrah ensoleillée du Languedoc associée aux fruits noirs croquant du cinsault. Des millésimes récents peuvent faire l’affaire.
Le coup de cœur de Aurélie : Minervois La Livinière est une appellation qui n’a pas la réputation qu’elle mérite. Elle se situe dans l’Aude et offre de mon point de vue, les plus beaux des assemblages de syrah (pour le parfum), de grenache (pour la douceur), de mourvèdre (pour le caractère) et de carignan et de cinsault (pour le fruit). Cela croque, cela sent la garrigue, il y a une belle complexité aromatique. Bref je l’adore et cela vaut autour de 40 euros pour un millésime 2005.
Aurélie Deharbe est chef sommelière chez Terre Blanche Hôtel Spa Golf Resort (Tourrettes, dans le Var) dont la table est étoilée. Curieuse de tous les terroirs et amoureuse des vins, petits et grands, cette professionnelle aguerrie tient la chronique de sa passion dans le blogvenusetbachus.fr
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