Je ne planterai plus de marselan, ni de vermentino tant que la flavescence dorée ne sera pas mieux maîtrisée. Ces deux cépages sont ultrasensibles à cette maladie. » Sur son domaine Isle Saint-Pierre, à Arles (Bouches-du-Rhône), Julien Henry mène un combat pugnace contre la flavescence dorée, traitant trois à quatre fois les zones les plus infestées de cicadelles. Sur ses 240 ha de vignes, il a déjà arraché 47,5 ha en trois ans. « Tous mes cépages sont touchés. On dit que le merlot est plus résistant, mais j’ai dû arracher une parcelle qui avait tout juste 5 ans », lâche-t-il dépité.
Pour le moment, il n’a pas encore replanté les surfaces arrachées. Mais, cette année, il va devoir s’y résoudre s’il ne veut pas perdre ses droits de plantation. « Je vais replanter du merlot même si je ne suis pas convaincu qu’il soit peu sensible à la flavescence dorée. Mais que planter d’autre ? La syrah ? C’est faire l’autruche : on ne voit pas les symptômes, mais la vigne peut être contaminée et contribuer à la propagation de la maladie. Fleurtaï et Soreli semblent un peu moins sensibles, mais ils ne sont pas complètement indemnes. Quant au muscat à petits grains, tolérant aussi, il n’y a pas de marché pour ce cépage. »
À Vergèze (Gard), la cave Vignoble de la Voie d'Héraclès est, elle aussi, malmenée par ce fléau. Engagée de longue date dans le bio, elle est d’autant plus vulnérable que l’efficacité du Pyrévert, le seul insecticide autorisé en bio, reste aléatoire. Jean-Philippe Julien, adhérent de cette coopérative, est dans un secteur où la pression de la maladie est forte. En 2018, il a dû arracher un cabernet-sauvignon de 10 ans. « C’est sûr que, dans cette zone, je ne vais pas replanter un cépage qui craint. Je mettrai peut-être du merlot. On est dans une impasse. On a beau appliquer le Pyrévert, les foyers se propagent », confie-t-il.
À l’échelle de la coopérative, « dans les secteurs où il y a beaucoup de foyers, les viticulteurs replantent des cépages peu sensibles, indique Jean-Fred Coste, le président. Dans les secteurs épargnés, ils replantent du cabernet-sauvignon, du sauvignon et du chardonnay, qui sont très demandés mais très sensibles à la flavescence dorée. »
Vigneron bio à Poilhes, dans l’Hérault, Bernard Paillet a fait une croix sur certains cépages : « Gewurztraminer, pinot gris, sauvignon, cabernet-sauvignon… c’est fini, je n’en plante plus tant qu’il y aura de la flavescence dorée dans mon secteur. » Ce producteur a été contraint d’arracher 6 ha en cinq ans. « La sensibilité à la maladie est désormais le critère numéro un dans mes choix d’encépagement, relate-t-il. Mais on a peu d’informations à ce sujet. On se fonde sur nos observations et les échos de nos collègues vignerons. Si on avait les statistiques des variétés arrachées à cause de la flavescence dorée, ça serait déjà une piste. »
Si Bernard Paillet ne regrette pas le cabernet-sauvignon, souvent trop tannique sur son terroir, ni le sauvignon, de moins en moins thiolé avec le réchauffement climatique, il déplore de devoir se passer de l’albarino. Désormais, il privilégie cinq cépages : merlot, syrah, viognier, Fleurtaï et Soreli. Pour conserver un encépagement à 65 % en blanc, il « viognise » son vignoble. « Le chardonnay, je suis obligé d’en planter car le marché le demande, mais je serre les fesses, ajoute-t-il. Je le réserve aux secteurs qui sont les moins infestés. »
Non loin de là, Les Vignerons du Pays d’Ensérune rencontrent les mêmes difficultés. « On fournit aux viticulteurs la liste des cépages recommandés sur le plan sanitaire : syrah, merlot, viognier et côt. Mais, commercialement, on ne peut pas se limiter à quatre cépages. Ce qui commande, c’est le marché », rappelle Gabriel Ruetsch, responsable du service agronomie aux Vignobles Foncalieu.
Régis Michelon, vigneron bio à Aimargues (Gard), en fait l’expérience. Depuis 2014, date d’apparition du premier foyer de flavescence dorée, il suit à la lettre les consignes pour enrayer la propagation de la maladie. « J’ai replanté des cépages peu sensibles comme le merlot ou la syrah. Mais je m’en mords les doigts : je manque de blancs. Maintenant que nous avons bien nettoyé le vignoble, il y a moins de pression. Je vais replanter du chardonnay, même si j’en ai encore arraché 3,5 ha l’an dernier. Il faut accepter de vivre avec cette maladie. En revanche, je ne replanterai pas de marselan, même s’il donne de super vins, car il est encore plus sensible que le chardonnay. » Entre sensibilité à la flavescence dorée et demande du marché, l’encépagement devient un vrai dilemme dans les secteurs infestés.
Chez les cépages peu sensibles à la flavescence dorée, il y a moins de ceps malades, moins de rameaux infectés par cep et moins de phytoplasme dans les vaisseaux que chez les cépages sensibles. En revanche, si les symptômes (décolorations, enroulements, non-aoûtement, flétrissement des grappes) sont plus rares, ils sont identiques et aussi intenses pour les organes touchés. Peut-on limiter la propagation de la maladie en plantant des cépages peu sensibles ? Il semble que oui. « Des chercheurs italiens ont montré que si les phytoplasmes se multiplient moins à l’échelle de la plante et de la parcelle, alors l’insecte les propagent moins, souligne Sylvie Malembic-Maher à l’Inrae de Bordeaux. Et, à l’échelle du Bordelais, plus le merlot est présent, plus la probabilité d’infection par la flavescence dorée diminue. »
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Des vignerons contraints de changer de cépages pour lutter contre la flavescence dorée – Vitisphere.com
février 18, 2025 4 Mins Read
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