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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
La simple évocation du nom de ce grand cru classé suffit à mettre les amateurs en émoi, et même ceux qui n’ont jamais eu la chance d’y goûter s’accordent à dire qu’il s’agit bien là d’un château amené à rester dans la légende.
Situé à la limite de Pomerol et de Saint-Emilion, Château Cheval Blanc est une propriété du groupe LVMH et de la famille Frère, dont Pierre Lurton a été nommé président du conseil de gérance en juillet 2023, tandis que Pierre-Olivier Clouet était élevé au rang de directeur général – sans doute l’un des postes les plus enviables du vignoble bordelais à l’échelle mondiale. Entré au domaine par la petite porte en qualité de stagiaire, celui qui se décrit comme un éternel hyperactif aura gravi les échelons avec une élégance de chat, gagnant au fil des années la confiance de Pierre, son mentor et complice, qui lui confie très tôt le rôle de directeur technique, à l’âge de 28 ans. Au-delà de son charme et d’une capacité de travail extraordinaire, le fait de ne pas appartenir au sérail aura été un atout non négligeable pour le jeune Normand, qui très tôt ose «dire tout haut ce que les autres pensent tout bas». Un esprit libre et frondeur enveloppé dans une allure de gentleman farmer, et une humilité qui lui permet d’imposer ses idées avec une facilité pour le moins désarmante.
«Lorsque j’y pense, c’était surréaliste, se souvient-il dans un éclat de rire. Au départ, le costume me semblait bien trop grand pour moi». L’avenir lui donnera tort, et c’est au côté d’une équipe soudée qu’il parviendra à remporter un à un les défis lancés à une propriété sommée de faire preuve de modernité sans jamais renier son ancrage. Créer un blanc de toutes pièces, faire le pari de l’agroforesterie, aller chercher des parcelles au pied des Andes, autant de défis relevés grâce à «la stabilité qu’a su me donner Pierre depuis de nombreuses années, qui m’ont permis d’inscrire chacune de nos évolutions dans le temps long».
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LE FIGARO VIN. – Quel effet cela fait-il d’être un champion du vin ?
Comme toujours, je me demande pourquoi on me choisit moi ! J’en suis très fier, et cela me fait plaisir que l’on vienne me chercher. Il y a 15 ans, je n’étais personne, et je n’ai jamais eu de plan de carrière. Je me sens à la fois très reconnaissant, et infiniment petit.
Vous entraînez-vous depuis longtemps ?
Pas vraiment. Certains vignerons m’ont fait briller les yeux lorsque j’étais étudiant, je voulais «être eux», comme disent les enfants. C’est un milieu qui vous permet de croiser énormément de disciplines, il y a le côté agricole, technologique, émotionnel, et l’on croise des gens que l’on ne penserait jamais rencontrer.
Qui est votre coach ?
En premier lieu, ce serait Pierre, qui m’a laissé ma chance à un moment où personne ne voyait ce que je pouvais apporter. Il a toujours été bienveillant, il a lâché la bride au fur et à mesure de mon évolution et de ma prise de confiance en moi. Il m’a accompagné, et même si nous avons des personnalités différentes, c’est à lui que je dois tout.
Le vin est-il un sport d’équipe ?
Oui, sans discussion. Surtout dans nos maisons, car sur un petit domaine, il peut y avoir une incarnation plus forte du vigneron. Ici, nous croisons énormément les regards des uns et des autres, de tous ceux qui nous ont inspiré de près ou de loin, et notamment des personnes qui nous ont accompagnés sur toutes les métamorphoses engagées. Cheval Blanc, c’est trop pour une seule personne.
Pour faire un bon vin, qu’est-ce qui compte le plus ? Le terrain – le terroir – ou le vigneron ?
Ce qui fait un grand vin, c’est le terroir, mais ce qui fait qu’on ne le rate pas, c’est le vigneron. Dans notre vision de cru, et non de marque, notre tâche est de délivrer le goût de l’endroit. Le millésime a ainsi également une importance absolue.
À qui ou à quoi devez-vous votre réussite ?
La sincérité. Je ne suis pas calculateur, j’ai une capacité à embarquer, à fédérer les équipes. Et je suis un hyperactif, cela joue aussi, forcément.
Votre famille est-elle fière de vous ?
Oui, et je trouve cela formidable que ma famille ne soit pas du monde du vin. Cela me sort de mon microcosme, et me permet de redescendre sur terre. Il faut aller dans le vrai monde, où l’on se fait plaisir avec des vins simples. Mes parents s’émerveillent encore des flacons que je peux leur ouvrir de temps en temps, et c’est formidable. Lorsque j’y réfléchis, j’adore boire des grands vins avec des gens qui n’y connaissent rien.
Votre couleur préférée ?
Le rouge, même si dans le blanc, que je bois de plus en plus, je retrouve une grande précision, je pense qu’on lit davantage le terroir dans les rouges, notamment grâce aux tannins, qui traduisent la façon dont la vigne est allée puiser ce que la terre lui a donné.
La mascotte des cépages ?
Le cabernet franc, car c’est le père de tous les cépages bordelais. Il a engendré des enfants bien plus populaires que lui, notamment le cabernet sauvignon et le merlot, mais il a l’avantage d’être cash, et de proposer une diversité gigantesque. C’est une véritable population.
Votre cuvée fétiche ?
Je suis un très grand amateur de Mas Jullien (en appellation Terrasses du Larzac, NDLR), qui est un vin d’une précision redoutable, et notamment la cuvée Autour de Jonquières.
Votre millésime favori ?
2018, qui est l’un des Cheval les plus spectaculaires.
À qui ressemble votre vin ?
À Chopin, pour l’universalité, l’émotion, l’intemporalité et le classicisme. Son premier concert a lieu à Paris en 1832, qui est l’année de constitution du domaine dans sa configuration actuelle.
Quelle est la meilleure façon de le déguster ?
Avec des gens sympathiques. C’est un vin tellement complexe. Un grand vin ne se déguste pas pour ce qu’il est, mais parce qu’il peut susciter des conversations géniales.
Avez-vous déjà pensé à vous doper ? Ou à doper votre vin ?
Non, jamais, c’est justement l’une des choses les plus importantes : on s’interdit la modification de nos raisins. Traduire un terroir, ce n’est pas bouleverser son équilibre naturel. On apprend en vieillissant qu’il faut en faire le moins possible.
Qui est votre adversaire le plus redoutable ?
Le climat, et ce n’est qu’un début. C’est un adversaire de plus en plus dur, et si l’on gagne encore aujourd’hui, je ne suis pas sûr que l’on gagne encore demain.
Quelle est la compétition que vous redoutez le plus ?
La mise en bouteille. C’est le dernier moment où l’on voit nos vins. À partir de là, ils ne nous appartiennent plus. Suite à cela, je n’ai pas plus de compétences qu’un collectionneur. Je sais analyser nos vins dans leur construction.
Quel est votre plus beau trophée ?
Avoir fait entendre qu’il y avait un débat autre dans le monde du vin que le bio et la biodynamie. Il faut comprendre la vie de son sol, le besoin de chasser la monoculture pour ramener de la diversité. C’est l’avenir de la viticulture, mais aussi de l’humanité. Je suis fier d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice, en dépassant les chapelles et les clochers. Ce n’est pas encore une victoire, mais un démarrage.
Qui serait votre successeur idéal sur le podium ?
Je ne sais pas encore, peut-être un futur ancien stagiaire. J’aimerais que ce soit une femme, car ce serait une première. Bien que l’on ne soit pas dans un vignoble familial, nos propriétaires ont une vision très familiale du domaine, et la notion de transmission est essentielle.
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