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Au-delà des grands classiques comme le merlot, le cabernet sauvignon ou le sauvignon blanc, les vignerons de la région cultivent de nombreux autres cépages. Un mouvement de fond pour tester et innover, s’adapter au réchauffement ou se démarquer commercialement
On les connaît, ce sont les cépages les plus plantés dans la région : merlot, cabernet sauvignon et cabernet franc, en rouge ; sémillon et sauvignon, en blanc. Mais les lignes bougent et on assiste à un foisonnement d’initiatives, à une véritable valse de nouveaux cépages orchestrée ces dernières années par les vignerons. Autant pour des raisons techniques – par exemple le merlot, qui donne de forts degrés par temps très chaud, est mis sur la sellette – que commerciales : sortir des standards, surprendre et proposer des bouteilles originales.
La plupart des producteurs mènent cette démarche innovante au sein des règles de l’AOC puisque au-delà de ces cépages stars, d’autres sont autorisés dans les cahiers des charges. En rouge, c’est le petit verdot, le malbec et la caménère. Toutes ces variétés étant assemblées entre elles – ce qui est la règle générale – soit proposées seules (monocépage).
À Targon, dans l’Entre-Deux-Mers, Alain Dufourg (château Marchand Bellevue, 28 ha) adonné sa chance au petit verdot, avec 3 ha plantés. Un cépage délaissé car il avait du mal à mûrir et qui regagne désormais des adeptes à la faveur du réchauffement climatique. « Lors des salons, une clientèle à la recherche de nouveautés est attirée, d’autant que ce vin – proposé en AOC bordeaux et dans une bouteille bourguignonne – est sans sulfites ajoutés (vins nature) ».L’homme a également planté 1 ha de syrah en 2019. le cépage rouge phare de la Vallée du Rhône connu pour sa finesse et ses notes poivrées.
À 40 km de là, à Gensac, la famille Fontana, qui exploite plus de 300 ha, s’est également lancée dans ces cépages régionaux restés dans l’ombre, avec Super Malbec et Super Carménère. Deux monocépages dont les étiquettes bleues décoiffent. « A 8 € la bouteille, la qualité est là. Il faut se battre pour capter de nouveaux clients car les temps sont durs. Bordeaux est en crise » indique-t-on.
Nombre de cavistes et de restaurateurs sont réceptifs à ces pas de côté faits par des vignerons, des coopératives, des négociants, et même des AOC. C’est le cas en côtes de bourg (Haute Gironde), avec le cépage malbec qui gagne du terrain (15 % des surfaces totales). “Une trentaine de cuvées sont aujourd’hui issues d’assemblages à dominante malbec ou exclusivement issues de malbec. Ce cépage (aussi appelé côt) offre de nouveaux terrains d’expressions gustatifs » indique Didier Gontier, le directeur du syndicat. La démarche est ici collective pour donner de la visibilité à une AOC qui, en Gironde, est au milieu de dizaines d’autres. . À Fronton, en Haute-Garonne, et de la même manière, les vignerons jouent cette carte d’un cépage différentiant avec la négrette (rouges et rosés).
Un dernier exemple nous vient de Jurançon, au Domaine Bordenave où Gisèle Bordenave exploite 20 ha. Au-delà des deux cépages blancs à la base de toutes les cuvées de cette AOC des Pyrénées-Atlantiques – gros manseng et petit manseng – elle tient à exploiter, et ce depuis une dizaine d’années, trois autres variétés locales un peu oubliées : camaralet, courbu et lauzet. « Pesant 10 % de mon vignoble, elles apportent un plus dans les assemblages de blancs secs : arômes floraux, finesse, atténuation de l’acidité ».
Cette effervescence régionale autour des cépages s’exprime également avec des variétés non autorisées dans les cahiers des charges des AOC.Les vins obtenus seront alors revendiqués en Indication géographique protégée (IGP) ou en Vin de France (autrefois appelés Vin de table). Deux catégories qui sont souvent vues par les producteurs comme des espaces de liberté et de création, alors que les AOC sont plutôt jugées conservatrices.
L’œnologue saint-émilionnais Hubert de Boüard – également copropriétaire du château Angélus – s’est lancé en force dans la vinification de ces variétés qui ne font pas partie des racines du Bordelais : chardonnay (5 ha plantés), le cépage des bourgognes blancs ; pinot noir (bourgognes rouges) ; syrah (Vallée du Rhône) ; grenache (Languedoc) ; chenin (blancs du Val de Loire). « Un traité du XIXe siècle mentionne la syrah en Gironde. Des débouchés pour ses bouteilles originales existent, les nouvelles générations sont curieuses. C’est comme des clins d’œil, on s’amuse aussi. Au niveau collectif, l’école de l’œnologie bordelaise montrer là qu’elle sait travailler autre chose que du merlot ou du cabernet franc ».
Bien sûr, il faut identifier les bons terroirs pour les mettre en valeur. Chacun cherche, tâtonne, s’adapte. À l’heure d’un premier bilan, l’expert l’assure : « le chardonnay, ça marche. Il donne des vins tendus, plein de fraîcheur ». De l’autre côté de l’estuaire, dans le Médoc, le constat est le même. Un dossier y est lancé auprès de l’INAO pour créer une AOC de vin blanc et les vignerons voudraient intégrer le chardonnay dans le cahier des charges. Pour l’expression de sa typicité sur des terroirs plus froids et ses arômes de noisette grillée, ses notes exotiques,
Un autre impératif amène des cépages jusque-là inconnus à prendre la lumière, celui de traiter moins les vignes pour lutter contre le mildiou ou l’oïdium. Ce que l’on appelle les cépages résistants, autrefois nommés « hybrides ». Le principe est simple : d’un côté des cépages connus pour bien résister aux maladies (notamment venus des États-Unis) mais aux qualités gustatives médiocres ; de l’autre, des cépages de la lignée vitis vinifera, ceux cultivés historiquement en Europe et qui donnent tous nos grands vins. On l’aura compris : croiser les deux est une bonne idée, et la science y travaille.
À Ladaux, en Gironde, les Vignobles Ducourt se sont lancés dans cette aventure depuis 2014, et 15 de ces cépages résistants sont aujourd’hui plantés. Ils s’appellent cabernet jura (rouge), sauvignac ou souvignier gris (blancs), tous les trois mis au point en Suisse. « Face au mildiou, comme au printemps 2023, ils ne nécessitent que deux ou trois traitements, contre plus de dix pour des cépages classiques. Le bénéfice est clair » explique Jérémy Ducourt.
À la vente, ils sont proposés en assemblage ou en monocépage, notamment avec la cuvée Métissage : le rouge amenant des notes épicées et des tanins fondus ; le blanc des saveurs acidulées (8 euros). « Bordeaux, qui a fonctionné ces dernières décennies avec le merlot et les cabernets, s’ouvre » se réjouit l’œnologue.
Une opinion que partage à 100 % Jean-Baptiste Duquesne, propriétaire du château Cazebonne (35 ha), dans les Graves. Installé depuis 2017, à la faveur d’une reconversion professionnelle, il a planté 26 cépages anciens du Bordelais.
Un conservatoire où l’on trouve du mancin, du saint-macaire, du castets, du blanc auba, du prueras ou du bouchalès. « Bordeaux était riche de tous ces cépages. Dans les années 1950, le merlot n’était pas dans le top 5 des variétés les plus plantées. Après le gel destructeur de 1956, avec la mécanisation généralisée et des aides à la plantation ciblées, tout a été rationalisé, mais aussi uniformisé. » Une diversification qui pourrait amener des plus dans les verres : du fruité, de la fraîcheur, moins de tanins. Dans le cadre des AOC ou en dehors.
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MAGAZINE. « Le chardonnay, ça marche » : dans les vignes du Sud-Ouest, la valse des cépages face au climat – Sud Ouest
février 17, 2025 5 Mins Read
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