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Les premiers résultats tombent à La Tour Carnet, château médocain où sont testés depuis 2013 des dizaines de cépages pour s’adapter demain au réchauffement climatique
Bernard Magreza mis les moyens. Producteur de premier plan à Bordeaux, ailleurs en France et aussi à l’étranger, il développe depuis une dizaine d’années une expérimentation à une échelle unique dans notre région. À la Tour Carnet, château en AOC haut-médoc qui a vinifié cette année 220 ha de vigne – une surface record pour un cru classé 1855 – sont en effet plantés 89 cépages différents, la plupart exploités sur le pourtour méditerranéen.
L’objectif ? Identifier les bons éléments à l’heure du dérèglement climatique. Ceux qui, en les assemblant avec les traditionnels cabernets-sauvignon ou cabernets franc – pour ne parler que des rouges –, pourront demain donner le meilleur d’eux-mêmes sous nos latitudes. Et ce, alors que les températures s’emballent, que les canicules et les sécheresses se multiplient et que des épisodes « tropicaux » (chaleur, moiteur) font leur apparition. D’où, souvent dans les verres, des vins à des degrés plus élevés et moins désaltérants. Les cépages testés aujourd’hui feront donc les vins consommés en 2040, et au-delà.
Sur cette propriété située à Saint-Laurent-Médoc, direction, donc, les parcelles expérimentales. Certaines sont tout près, en face même de la bâtisse d’un château érigé au Moyen Âge. Chaque variété est mentionnée en bout de rang et l’ensemble occupe 2,5 ha. Ce qui nous donnera près de 7 000 bouteilles à déguster et à comparer, et ce après des vinifications dans un chai dédié où chaque cépage aura sa cuve (1).
« Tous ces rangs et ces vins sont travaillés comme les autres. Nous cherchons quoi planter dans le futur tout en gardant la typicité d’un bordeaux », explique Lucile Dijkstra, directrice d’exploitation depuis un an et demi. « On peut réussir ou pas, mais notre devoir est de le faire », rappelle Bernard Magrez, dont l’entreprise dispose en interne d’un solide département recherche et innovation.
Et les premiers résultats, qu’il faudra bien sûr approfondir, tombent (2). Le travail est de longue haleine. La technicienne déroule : le sangiovese, cépage italien, est le plus productif, jusqu’à 180 hl/ha ; le floréal, variété obtenue par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) via des croisements, résiste mal à la sécheresse ; le castets, cultivé jadis dans la région – voir par ailleurs – a peu d’atouts ; le mourvèdre et le grenache (cépages du Midi) ont un goût trop éloigné du bordeaux ; l’artaban (également une variété Inra) est décevant à la dégustation ; la syrah (Vallée du Rhône) et le pinot noir (Bourgogne) cochent peu de cases.
Après le croisement de multiples critères (rendement, maturation, stress hydrique, acidité des vins…) et une dégustation par des experts, cinq variétés (en rouge) se dégagent. Fer servadou et duras, cépages autorisés en Gironde en 1935 et disparus depuis des cahiers des charges ; le manseng noir, variété historique du Sud-Ouest ; l’arinarnoa (croisement entre tannat et cabernet-sauvignon) ; et enfin le vinhao, venu du nord du Portugal, là où le soleil tape fort.
« Le merlot, cépage leader dans notre région et qui donne parfois de hauts degrés d’alcool, est peut-être un maillon faible, se projette Lucile Dijkstra. Beaucoup en arrachent pour planter du cabernet franc ou du cabernet-sauvignon. Sur des sols contenant de l’argile, matière qui retient l’eau, ces derniers ont un avenir ; ce sera plus compliqué sur des sols drainants, tels les sols de graves ».
Autre question clef soulevée : la capacité des vins à se bonifier dans le temps. Avec les fortes chaleurs généralisées, ils ont en effet tendance à manquer d’acidité, ce qui les rend plus mous et moins alertes. « Or, une bonne acidité est capitale pour tenir des années et bien vieillir », ajoute la technicienne.
Fin de la dégustation à La Tour Carnet, et Bernard Magrez de lancer un dernier sujet : « Les vins rouges tanniques sont en danger. Les clients préfèrent ceux qui passent bien dans le gosier. » Probablement un critère de plus à intégrer dans ces recherches sur les meilleurs cépages du futur.
(1) À ce jour, 75 cépages sont vinifiés et étudiés.
(2) Un prochain travail portera notamment sur les vins blancs.
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Bordelais : quels seront les cépages utilisés dans le vignoble du futur ? – Sud Ouest
février 17, 2025 3 Mins Read
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